L’erreur de Partridge fit beaucoup rire ses voisins. Elle dura jusqu’à la scène entre le fantôme et Hamlet, où l’éloquente pantomime de Garrick le convainquit de ce que son maître n’avoit pu lui persuader. Le pédagogue fut alors saisi d’un tremblement si violent, que ses genoux s’entre-choquèrent.
« Qu’as-tu donc ? lui demanda Jones. Le guerrier que tu vois sur la scène te fait-il peur ?
— Oh ! monsieur, je reconnois à présent que vous m’avez dit vrai. Je n’ai pas peur ; car je sais que ce n’est qu’un jeu ; et quand ce guerrier seroit un véritable fantôme, quel mal pourroit-il me faire de si loin, et en si nombreuse compagnie ? Au reste, si j’ai peur, je gagerois bien que je ne suis pas le seul.
— Eh quoi ! t’imagines-tu qu’il y ait ici des gens aussi poltrons que toi ?
— Traitez-moi de poltron tant qu’il vous plaira ; mais si le petit acteur qui est là-bas sur la scène n’est pas effrayé, je n’ai jamais vu d’homme effrayé de ma vie. »
Au moment où le fantôme fait signe à Hamlet de le suivre : « Vous suivre ! s’écria Partridge ? ah ! vraiment oui, il faudroit avoir perdu la tête… Est-ce qu’il en fera la folie ? Miséricorde !… le petit acteur le suit ; que le ciel ait pitié du téméraire ! Quelque chose qui lui arrive, il l’aura bien mérité…