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Londres, à peine avoit-on cessé d’entendre le bruit de votre voiture, devinez qui se présenta chez moi ?… cet impudent aventurier avec son odieux nom irlandois, ce Fitz-Patrick ! Il entra dans ma chambre sans se faire annoncer : autrement je ne l’aurois pas reçu. Il me conta sur sa triste moitié une longue et inintelligible histoire qu’il me força d’entendre. Mon accueil fut des plus froids. Je lui remis la lettre de sa femme, en le chargeant d’y répondre lui-même. Je présume que la malheureuse tâchera de découvrir notre demeure ; mais ne la recevez pas, je vous prie, car je suis déterminée à ne point la voir.

— Moi, la recevoir ? ne craignez rien. Je ne suis pas homme à encourager des enfants rebelles. Son coquin de mari doit s’estimer heureux que je ne me sois pas trouvé à la maison. Jour de Dieu ! je l’aurois fait sauter dans l’abreuvoir. Vous voyez, Sophie, les suites de la désobéissance. Votre propre famille vous en offre un exemple.

— Mon frère, il est inutile de blesser ma nièce par des réflexions semblables. Ne voulez-vous donc pas la laisser tout-à-fait sous ma direction ?

— Oui, oui, j’y consens, j’y consens. »

Mistress Western, heureusement pour Sophie, rompit ici l’entretien en envoyant chercher des chaises à porteurs : nous disons heureusement ; car si la conversation eût duré plus long-temps,