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je n’ose écrire ce que je ne saurois lire sans un transport de rage. Adieu, sachez que la violence de ma haine peut égaler l’ardeur de mon amour. »

Jones n’avoit pas eu le temps de faire de longues réflexions sur cette lettre, lorsqu’on lui en remit une seconde de la même main. Elle étoit conçue en ces termes :

« Pour peu que vous vous représentiez le trouble que j’ai dû éprouver en vous écrivant, vous ne serez pas surpris de quelques expressions de mon premier billet… Quand j’y songe pourtant, peut-être ai-je à me reprocher un peu trop de vivacité. Je voudrois croire du moins, s’il est possible, que je dois tout imputer à l’odieuse comédie et à l’impertinence d’une sotte qui m’a fait manquer l’heure de notre rendez-vous. Qu’il est facile de bien penser de ceux qu’on aime !… Peut-être me souhaitez-vous dans cette disposition. J’ai résolu de vous voir ce soir : ainsi, venez chez moi sur-le-champ.

« P. S. Ma porte ne sera ouverte que pour vous.

« P. S. M. Jones peut bien compter que je serai de moitié dans sa défense ; car je ne pense pas qu’il ait plus d’envie de me tromper, que je n’en ai de me tromper moi-même.

« P. S. Venez sans délai. »

Nous laissons aux héros d’intrigue à décider lequel causa le plus d’embarras à Jones, du billet