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j’ai dû souffrir dans cette triste circonstance. Est-il quelque chose au monde qui puisse ajouter à mon désespoir, quand je vous sais malheureuse ? Oui sans doute, et j’en fais la cruelle expérience, c’est, ma Sophie, de sentir que je suis l’auteur de votre infortune. Peut-être montré-je ici trop d’orgueil ; mais personne ne m’enviera un honneur qui me coûte si cher. Pardonnez-moi cette présomption, pardonnez-m’en une plus grande encore. Veuillez me dire si mes conseils, mon secours, ma présence, mon absence, ma mort, ou mes tourments vous procureroient quelque soulagement. La plus parfaite admiration, les soins les plus assidus, l’intérêt le plus tendre, la plus entière soumission à vos volontés, le plus ardent amour peuvent-ils vous dédommager du sacrifice que vous feriez à mon bonheur ? Volez, ange du ciel, volez dans ces bras toujours ouverts pour vous recevoir, toujours prêts à vous défendre. Venez sans autre trésor que vos charmes, ou avec toutes les richesses de la terre, peu m’importe. Si au contraire la sagesse est la plus forte, si, après de mûres réflexions, elle vous dit que le sacrifice est trop grand, si vous ne pouvez recouvrer les bontés paternelles et rendre la paix à votre ame agitée qu’en m’abandonnant, bannissez-moi à jamais de votre pensée ; prenez une courageuse résolution, et que la pitié pour mes