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comme s’il eût voulu rassembler les voisins pour être témoins de son agilité[1].

Le ministre qui avoit laissé le pot de bière encore presque plein, ne s’étoit pas fort éloigné. Aux cris de l’écuyer, il accourut à la hâte. « Bon Dieu ! monsieur, dit-il, qu’avez-vous donc ?

— Ce que j’ai ? répliqua Western. Voilà, je crois, un brigand qui veut me voler et m’assassiner. Il est tombé sur moi avec cette canne que vous lui voyez à la main ; et Dieu me damne si je l’ai provoqué le moins du monde.

— Comment ? monsieur, reprit le capitaine, ne m’avez-vous pas dit que je mentois ?

— Non, comme j’espère être sauvé. J’ai bien pu dire, qu’il étoit faux que j’eusse insulté milord ; mais jamais je n’ai dit que vous mentiez. J’ai trop de savoir-vivre pour cela ; et vous auriez dû rougir de tomber, comme vous l’avez fait, sur un homme sans défense. Si j’avois eu une canne à la main, tu te serois bien gardé de me frapper. Je t’aurois frotté l’échine et donné sur le museau. Descends avec moi dans la cour. Veux-tu jouer du bâton ? veux-tu boxer ? parle, voyons qui des deux cassera la tête à l’autre, ou lui portera dans le ventre le meilleur coup de poing.

  1. Cette scène est révoltante. Fielding dégrade, sans motif, l’écuyer Western en lui attribuant un trait de lâcheté indigne d’un homme. C’est une tache dans ce caractère, d’ailleurs supérieurement tracé. Trad.