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plique parfaitement à la plupart des gens du bon ton. Ils sont si maniérés, si pétris d’affectation, qu’ils n’ont point de caractère, ou du moins n’en laissent voir aucun. Osons le dire, il règne dans leurs cercles une monotonie, une insipidité que rien n’égale. Les classes inférieures présentent un tout autre aspect. La diversité des professions y produit une grande variété de caractères aussi plaisants qu’originaux ; tandis que, dans la classe supérieure, sauf les individus livrés en petit nombre aux soins de l’ambition, et en plus petit nombre encore à la recherche du plaisir, tout n’est que vanité et servile imitation. La parure, le jeu, la table, les compliments, les révérences, voilà l’unique emploi de la vie.

Les passions néanmoins exercent aussi leur empire tyrannique sur quelques membres de cette classe, et les emportent fort au-delà des bornes de la bienséance. On voit des femmes de qualité se distinguer autant des fragiles bourgeoises par leur noble intrépidité et leur superbe dédain de l’opinion, qu’une vertueuse duchesse se distingue d’une fermière, ou d’une marchande honnête par l’élévation et la délicatesse de ses sentiments. Lady Bellaston étoit du nombre de ces femmes dont l’audace ne connoît point de frein ; mais que nos lecteurs de province ne concluent pas de son exemple que toutes les grandes