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évident qu’elle ne seroit jamais à lui ? N’y auroit-il pas plus de générosité de sa part à écouter la proposition de mistress Hunt, qu’à entretenir dans le cœur de Sophie une passion dénuée de toute espérance ? Ne devoit-il pas en agir ainsi, ne fût-ce que par amitié pour elle ? Cette considération prévalut quelques moments dans son esprit, et il étoit presque décidé à trahir son amante, par excès de vertu ; mais ces raisonnements subtils ne purent tenir long-temps contre la voix de la nature qui lui crioit qu’un tel sacrifice à l’amitié étoit une trahison envers l’amour. Enfin il demanda une plume, de l’encre, du papier, et fit à mistress Hunt la réponse suivante :

« Madame,

« Ce seroit payer d’un bien foible retour la faveur dont vous m’honorez, que de me borner à vous sacrifier un commerce quelconque de galanterie ; et je ferois sans balancer ce sacrifice, quand je ne serois pas aussi dégagé que je le suis maintenant de toute espèce d’intrigue. Mais je ne mériterois pas le titre d’honnête homme que vous m’accordez, si je ne vous disois que j’aime une jeune personne pleine de vertu, une jeune personne à laquelle je ne puis renoncer, quoiqu’il soit probable que je ne la posséderai jamais.