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ses recherches, lui avoit manqué de parole. Sa situation et celle de sa maîtresse ne lui permettoient guère d’espérer de bonnes nouvelles. Cependant il étoit aussi impatient de voir mistress Honora, et aussi chagrin de l’avoir vainement attendue, que s’il se fût flatté de recevoir, par son entremise, une lettre de Sophie, avec la promesse d’un rendez-vous.

Son impatience étoit-elle l’effet de cette foiblesse naturelle à l’esprit humain, qui nous porte à percer l’obscurité de notre destinée, quelque fâcheuse qu’elle puisse être, et nous fait regarder l’incertitude comme le plus insupportable de tous les maux ? ou se berçoit-il encore d’un secret espoir ? C’est ce que nous ne saurions décider. Ceux qui ont aimé ne manqueront pas d’adopter la dernière supposition ; car, de tous les miracles que produit l’amour, le plus surprenant est d’entretenir l’espérance au sein du désespoir. Obstacle, invraisemblance, impossibilité même, rien ne l’arrête : de sorte qu’on peut dire de tout homme éperdument amoureux, ce qu’Addison dit de César :

Il sort vainqueur de cent combats.
Les Alpes et les Pyrénées
D’épaisses neiges couronnées,
Abaissent leurs fronts sous ses pas[1].

  1. The Alps and Pyrenæans sink before him.Addison.