Page:Fielding - Tom Jones ou Histoire d'un enfant trouvé, tome 4.djvu/163

Cette page a été validée par deux contributeurs.

à celle que suivent d’ordinaire les personnes les plus généreuses. Il cherchoit toujours à cacher sa bienfaisance, non-seulement au public, mais encore à ceux qui en étoient l’objet. Au mot donner il substituoit les mots prêter, payer ; tandis qu’il répandoit ses dons à pleines mains, il prenoit soin de les accompagner d’expressions qui en diminuoient la valeur. Ainsi, en constituant à mistress Miller une rente annuelle de cinquante livres sterling, il lui avoit dit que c’étoit à condition qu’il occuperoit le premier étage de sa maison quand il viendroit à Londres, où il comptoit ne jamais faire un long séjour ; et pour lui laisser la liberté d’en disposer le reste de l’année, il avoit pris l’engagement de la prévenir de son arrivée, un mois d’avance. Cette fois-ci cependant, il s’étoit vu forcé de partir si précipitamment, qu’il n’avoit pu l’avertir à temps. Ce fut là, sans doute, ce qui l’empêcha d’ajouter dans sa lettre, qu’il ne demandoit son logement accoutumé que dans le cas où il seroit vacant ; car il y auroit certainement renoncé pour une beaucoup moins bonne raison que celle que mistress Miller avoit à lui donner.

Mais il est des personnes qui, suivant l’excellente remarque de Prior, agissent d’après des principes d’un ordre supérieur aux règles communes de la morale,