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on lieu de regretter que nul écrivain célèbre, ancien ou moderne, ne se fût occupé d’un art si noble et si utile ?

Il est superflu de multiplier les exemples dans une question de cette évidence. Allons droit au but. Il nous semble que le peu de succès de la plupart de nos écrivains, dans la peinture des mœurs du grand monde, vient de ce qu’ils n’en ont aucune notion. C’est malheureusement une connoissance que peu d’auteurs sont à portée d’acquérir. Les livres n’en donnent qu’une idée très-imparfaite ; le théâtre n’en procure pas une beaucoup plus exacte. La lecture seule ne peut guère former qu’un pédant, et le théâtre qu’un fat.

Les caractères tirés de ces sources manquent essentiellement de vérité. Vanbrugh et Congrève ont copié la nature ; mais ceux qui les copient ne font pas du siècle présent un portrait plus ressemblant que ne le feroit Hogarth, s’il peignoit aujourd’hui les acteurs d’un bal, ou d’une fête avec les costumes du temps du Titien et de Vandick. Dans ce genre, l’imitation ne remplit pas son objet. Il faut peindre d’après nature. On n’étudie bien les hommes que dans le monde. Pour connoître toutes les classes de la société, il faut les fréquenter : or, la plus élevée ne se voit ni gratuitement dans les rues, dans les boutiques et les