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de semblables obligations. Lady Bellaston est très-libérale quand elle aime. Toutefois, souffrez que je vous le dise, elle accorde ses faveurs avec tant d’art, qu’elles doivent inspirer à ses amants plus de vanité que de reconnoissance. » Nightingale ne tarit point sur ce chapitre ; il conta mille aventures de la dame, en attesta la vérité avec serment, et parvint ainsi à détruire dans le cœur de son ami tout sentiment de gratitude et d’estime pour elle. Jones regarda les secours qu’il en avoit reçus, moins comme des bienfaits que comme un salaire qui, à ses yeux, les dégradoit également l’un et l’autre. Aussi mécontent de lui-même que de lady Bellaston, en se détachant d’elle il revint naturellement à Sophie. La vertu de cette charmante personne, sa candeur, la constance de son amour, les souffrances qu’elle avoit éprouvées à cause de lui, devinrent l’unique objet de ses pensées, et lui rendirent encore plus odieux les liens qui l’attachoient à lady Bellaston. Malgré l’impossibilité de quitter, sans mourir de faim, le service de cette dame (car ses rapports avec elle ne lui sembloient plus mériter un autre nom), il prit le parti d’y renoncer, pour peu qu’il en trouvât un prétexte honnête.

Il communiqua ce dessein à son ami. Nightingale réfléchit un moment, et lui dit : « Mon garçon, j’y suis, j’ai imaginé un moyen infaillible.