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figurer rien de plus comique que cette scène, et rien de moins plaisant, si elle se fût prolongée. Déjà la dame avoit changé deux ou trois fois de couleur ; elle s’étoit levée et rassise ; Jones prioit le ciel que le plancher s’ouvrît sous ses pieds, ou que la maison s’écroulât sur sa tête, lorsqu’un étrange incident le sauva d’un embarras dont ni l’éloquence de Cicéron, ni la politique de Machiavel n’auroient pu le tirer heureusement.

L’incident dont nous parlons n’étoit autre que l’arrivée du jeune Nightingale. Il se trouvoit dans cet état d’ivresse qui ôte à l’homme l’usage de sa raison, sans lui ôter celui de ses jambes.

Mistress Miller et ses filles étoient couchées, et Partridge fumoit sa pipe auprès du feu de la cuisine, en sorte que Nightingale arriva sans obstacle à la porte de Jones. Il l’ouvrit violemment, et il alloit entrer sans cérémonie, quand Jones s’élança de son siége et courut au-devant de lui avec tant de promptitude, qu’il lui donna à peine le temps de voir la femme qui étoit assise sur le lit.

Nightingale avoit pris la chambre de Jones pour celle qu’il occupoit lui-même précédemment, et il vouloit y entrer à toute force, jurant énergiquement qu’on ne l’empêcheroit pas de coucher dans son lit. Jones parvint toutefois à s’emparer de lui, et à le remettre entre les mains