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ministre Supple eût le courage de représenter à l’écuyer, qu’en forçant l’inclination de sa fille, il abuse de l’autorité paternelle ; mais le pauvre ministre est dans une position dépendante. S’il blâme en arrière la conduite de son patron, il n’ose, tout honnête et religieux qu’il est, se permettre la plus simple observation devant lui. Je ne l’ai jamais vu si hardi que tout à l’heure. J’ai craint que l’écuyer ne le frappât… Allons, monsieur, ne vous abandonnez point à la tristesse. Il ne faut désespérer de rien, tant que vous serez sûr de ma maîtresse ; et je vous garantis que vous pouvez l’être. Jamais on ne la fera consentir à en épouser un autre que vous ; mais j’ai grand’peur que son père ne la maltraite dans un accès de colère ; car il est furieusement emporté. J’ai bien peur aussi qu’il ne la fasse mourir de chagrin. Elle est si sensible ! si soumise ! Oh ! que n’a-t-elle un peu de mon courage ? Si j’avois une passion dans le cœur, et que mon père voulût m’enfermer, je lui arracherois les yeux, et je m’enfuirois bien vite avec mon amant. Mais il y a ici une fortune considérable qu’il dépend du père de donner, ou de retenir, et cela change la thèse. »

Nous ne pouvons dire si Jones prêta une attention soutenue à cette longue harangue, ou si elle fut prononcée avec une volubilité de langue