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Sophie, malgré son effroi, reconnut aussitôt la voix de son père, et le lord, malgré son emportement, entendit celle de la raison qui lui dit que le moment d’exécuter son infâme dessein étoit passé. Les mots de fille et de père prononcés plusieurs fois, l’un par l’écuyer dans sa colère, l’autre par Sophie dans sa lutte contre le lord, ne laissant à Fellamar aucun doute sur la qualité de l’étranger qui venoit d’arriver, il crut devoir abandonner sa proie, sans avoir obtenu d’autre succès que de déranger un peu le mouchoir de Sophie, et de laisser sur son cou charmant l’empreinte de ses brutales caresses.

Si l’imagination du lecteur ne vient à notre secours, jamais nous ne pourrons lui peindre la situation de miss Western et du lord, à l’instant où l’écuyer entra dans la chambre. Qu’on se figure d’un côté Sophie tremblante sur son fauteuil, pâle, en désordre, hors d’haleine, lançant à Fellamar des regards d’indignation, effrayée, mais plus contente encore de l’arrivée de son père ; de l’autre côté, le lord assis près d’elle, les boucles de ses cheveux défrisées, son jabot froissé, et dans tous ses traits la surprise, le dépit et la honte.

Quant à M. Western, il se trouvoit alors au pouvoir d’un ennemi qui poursuit bien souvent, et manque rarement d’atteindre la plupart de nos