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fite de l’occasion qui s’offre à moi ; car je ne puis ni ne veux vivre sans vous.

— Que voulez-vous dire, milord ? Je vais appeler les gens de milady.

— Je n’ai, mademoiselle, d’autre crainte que celle de vous perdre ; et j’userai, pour prévenir ce malheur, de l’unique moyen que me laisse le désespoir. » En parlant ainsi, il la saisit dans ses bras. Elle jeta un cri perçant qui auroit infailliblement amené quelqu’un à son secours, si lady Bellaston n’avoit pris soin d’écarter tout le monde.

La fortune n’abandonna point notre héroïne dans cette extrémité. Un bruit confus éclata en ce moment, et couvrit presque sa voix. Toute la maison retentit de ces cris : « Où est-elle ? Dieu me damne, je saurai bien la déterrer. Montrez-moi sa chambre, vous dis-je. Où est ma fille ? Je sais qu’elle est ici, et je veux la voir. Est-elle en haut ? Conduisez-moi chez elle. » À ces derniers mots la porte s’ouvrit avec fracas, et l’écuyer Western entra accompagné du ministre Supple, et suivi d’une troupe de valets.

À quel excès de détresse devoit être réduite la pauvre Sophie, pour que la voix d’un père furieux frappât agréablement son oreille ! Ce fut pourtant l’effet qu’elle produisit. L’écuyer arriva bien à propos. Sa présence seule pouvoit préserver sa fille d’une douleur éternelle.