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falloit bien, pour ne point exciter de soupçons, laisser auprès de sa maîtresse jusqu’à l’arrivée du lord, lady Bellaston devoit l’attirer dans une chambre si éloignée du lieu où se passeroit l’indigne scène, que la voix de Sophie ne pût s’y faire entendre.

Les choses ainsi réglées, lord Fellamar prit congé de lady Bellaston qui alla se coucher, ravie d’un projet dont la réussite lui paroissoit infaillible. Elle pensoit qu’elle pourroit désormais entretenir avec Tom un libre commerce. Pour comble de bonheur, elle arrivoit à son but par un artifice que personne ne lui imputeroit, quand même l’aventure deviendroit publique. Elle se flattoit d’ailleurs d’en prévenir l’éclat, en précipitant un mariage auquel la malheureuse Sophie se verroit obligée de consentir, et qui seroit pour toute sa famille un sujet de joie.

Le complice de lady Bellaston ne partageoit pas sa tranquillité. Son ame étoit en proie à cette horrible anxiété si énergiquement peinte par Shakespeare :

Entre un projet atroce et l’exécution,
L’intervalle se passe en agitation.
Mille songes affreux tourmentent la pensée,
Et sans aucun repos tiennent l’âme oppressée.
Tandis que de la mort préparant l’instrument,
L’assassin pour frapper cherche un heureux moment,