nous n’osons presque découvrir au lecteur les pensées qui occupoient son esprit, au sujet de mistress Fitz-Patrick. Il est certain qu’elle concevoit des doutes sur son caractère ; et ces doutes étant de la nature de ceux qui naissent aisément dans les cœurs pervers, avant d’en parler plus clairement, nous dirons un mot du soupçon en général.
Il y a deux manières de l’envisager. Dans le premier cas il part du cœur ; sa rapidité semble une inspiration ; il enfante des chimères ; il voit ce qui n’est point, ou dépasse la réalité. Doué d’une vue aussi perçante que celle de l’aigle, il épie les actions, les paroles, les gestes, les regards ; il pénètre jusqu’au fond des ames, où il découvre le mal dans son origine, et quelquefois avant sa naissance. Faculté admirable, si elle étoit infaillible ! Mais que d’infortunes produisent ses erreurs ! que de larmes elles coûtent à l’innocence et à la vertu ! Il faut donc regarder une perception du mal, si prompte et si fautive, comme un défaut pernicieux. Il annonce d’ordinaire un mauvais cœur ; et ce qui nous le persuade, c’est que nous ne l’avons jamais observé dans une belle ame : celle de Sophie en étoit entièrement exempte.
Considéré sous un autre aspect, le soupçon paroît venir de la tête, et n’est que la faculté de