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nables eux-mêmes n’attendent pas de nous une telle condescendance. Le lieutenant dont je vous parlois tout à l’heure en est une preuve. Quoiqu’il eût beaucoup de sens, il n’hésitoit pas à convenir, ce qui étoit vrai, que sa femme en avoit plus que lui ; et peut-être étoit-ce un motif pour mon tyran, de la haïr.

« Avant de se laisser gouverner par une femme, disoit-il, et surtout par une pareille laideron, il enverroit tout le sexe au diable, espèce de phrase qui lui étoit familière. M. Fitz-Patrick faisoit tort à mon amie. Sans être une beauté régulière, elle avoit dans la physionomie infiniment de noblesse et de grace. Il s’étonnoit du singulier attrait que je me sentois pour sa compagnie. « Depuis que cette femme a mis le pied dans notre maison, ajoutoit-il, vous avez laissé de côté la lecture, qui faisoit vos délices. Elle vous amusoit tant, disiez-vous, que vous n’aviez pas le loisir de rendre à nos voisines leurs visites. » Je fus bien, je l’avoue, un peu incivile à leur égard ; mais les dames irlandoises ne valent pas beaucoup mieux que les simples campagnardes d’Angleterre ; ce qui doit m’excuser à vos yeux de les avoir un peu négligées.

« Ma liaison avec la femme du lieutenant dura néanmoins une année entière, c’est-à-dire, tout le temps que son mari fut en garnison dans la