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CHAPITRE XI.

mais j’en impute la rigueur à la fortune, et non à ma Sophie. La fortune vous ordonne, pour votre propre salut, d’oublier qu’il existe sur la terre un malheureux tel que moi.

« Croyez que je ne vous entretiendrois point de ma profonde affliction, si je pouvois espérer que vous n’en eussiez jamais connoissance. Je sais quelle est la sensibilité de votre cœur, et voudrois vous épargner l’émotion pénible que vous causent toujours les souffrances d’autrui. Ah ! quelque peinture que l’on vous fasse de ma dure destinée, ne vous en affligez pas ; je vous ai perdue. Tout le reste n’est plus rien pour moi.

« Ô Sophie, il est affreux de vous quitter ; il est plus affreux encore de vouloir être oublié de vous ; et cependant l’amour, le plus tendre amour m’impose ce double sacrifice. Pardonnez-moi d’oser supposer, que mon souvenir puisse troubler un moment votre tranquillité. Si tant de gloire m’étoit réservée dans mon infortune, sacrifiez-moi sans balancer à votre repos, croyez que je ne vous ai jamais aimée ; songez surtout combien peu je suis digne de vous ; méprisez un insensé dont la présomption ne sauroit être trop sévèrement punie… Je ne puis rien ajouter… Sophie, que tous les anges du ciel veillent sur vous ! »

Jones chercha en vain dans ses poches de