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TOM JONES.

dra, quand la raison et la passion lui donnent des conseils opposés ? n’est-il pas trop certain, que dans cette alternative, il écoutera toujours la voix de la dernière ? La raison me dit d’oublier une femme qui en aime un autre, la passion me flatte que le temps pourra changer ses dispositions, en ma faveur. J’entrevois, à la vérité, une objection qui devroit m’arrêter, si je ne parvenois à la réfuter entièrement : c’est l’injustice apparente de chercher à supplanter un rival, dans un cœur dont il semble être déjà en possession. Mais la ferme résolution de M. Western m’est garante, que j’assure par là le bonheur de tous. Je sauve un père du plus affreux désespoir, et deux imprudents de l’abîme où les précipiteroit leur union. La jeune personne seroit perdue de toutes les manières. Outre qu’elle épouseroit un homme sans bien, elle se verroit privée de la plus grande partie de sa fortune ; et le peu que son père ne pourroit lui ôter, deviendroit la proie de l’indigne créature que le misérable, j’en ai la certitude, entretient encore. Mais ce n’est là que le moindre de ses torts. Ô ! mon cher oncle, il n’existe pas au monde un plus mauvais sujet ; et si vous aviez su ce que je me suis efforcé jusqu’ici de vous taire, vous auriez abandonné depuis long-temps ce pervers.

— Comment ? s’est-il rendu coupable de quel-