Elle continua sur ce ton un quart d’heure entier. À la fin, ayant épuisé ses forces plutôt que sa colère, elle menaça sa nièce d’aller, à l’instant même, découvrir à son frère cet odieux mystère.
Sophie se jeta aux pieds de sa tante, pressa ses mains entre les siennes, et la conjura les larmes aux yeux, de garder le secret qu’elle lui avoit arraché. Elle insista sur le caractère violent de son père, et protesta qu’aucune inclination ne la détermineroit jamais à rien faire qui pût l’offenser.
Mistress Western la regarda fixement. Après un moment de réflexion : « Je consens, dit-elle, à garder votre secret, mais à une condition, c’est que ce soir même, vous recevrez M. Blifil en qualité d’amant, et comme l’homme destiné à devenir votre époux. »
La pauvre Sophie étoit trop dans la dépendance de sa tante, pour oser se permettre un refus positif. Elle consentit à voir M. Blifil et à le recevoir de son mieux ; mais elle demanda que le mariage ne fût point précipité. Elle n’avoit, dit-elle, nul penchant pour M. Blifil, et se flattoit que son père ne voudroit pas la rendre la plus malheureuse des créatures humaines.
Mistress Western l’assura que le mariage étoit décidé, et que rien ne pouvoit ni ne devoit le