Page:Fielding - Tom Jones ou Histoire d'un enfant trouvé, tome 2.djvu/416

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Mistress Waters s’en aperçut, et n’eut pas l’air d’y faire attention, tant que l’hôtesse resta dans la chambre ; mais après le départ de la bonne femme, elle ne put s’empêcher d’insinuer à notre héros qu’elle craignoit d’avoir dans son affection une rivale dangereuse. Le silence et l’embarras de Jones confirmèrent ses soupçons, et cependant ne changèrent rien à ses sentiments. Elle étoit trop peu délicate en amour, pour se désoler de cette découverte. Ses yeux étoient charmés de la beauté de Jones. Ne pouvant lire dans son cœur, elle ne s’embarrassoit point de ce qui s’y passoit. Elle prenoit volontiers part au banquet de l’amour, sans s’inquiéter qu’une autre l’y eût précédée, ou dût l’y suivre : façon de penser peu raffinée, mais très-solide, et qui annonce un caractère moins égoïste, moins envieux, moins fantasque, que celui de ces froides et jalouses coquettes qui consentiroient à se priver de leurs amants, pourvu qu’elles fussent convaincues qu’aucune autre femme ne les possédât.