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ducteur de chevaux roué de coups par le conducteur d’hommes, se vit réduit à profiter d’un reste d’haleine pour demander quartier.

La jeune dame pressée de partir, donna ordre de mettre les chevaux à sa voiture. Ce fut en vain. Le cocher étoit hors d’état, pour ce soir-là, de remplir ses fonctions. Dans l’ancien temps, un païen auroit attribué son incapacité actuelle au dieu du vin, aussi bien qu’à celui de la guerre ; car les combattants n’avoient pas moins sacrifié à l’un qu’à l’autre. En termes plus simples, ils étoient tous deux ivres morts. Partridge ne valoit guère mieux. Quant à l’hôte, son métier étoit de boire. Le vin ne faisoit pas plus d’effet sur lui, que sur les tonneaux de sa cave.

M. Jones et sa compagne invitèrent l’hôtesse à prendre le thé avec eux. Elle leur raconta en détail la dernière partie de la scène précédente, et témoigna beaucoup d’intérêt pour la jeune dame, qui, disoit-elle, éprouvoit un grand chagrin de ne pouvoir continuer son voyage. « C’est, ajouta-t-elle, une douce et jolie personne. Je suis sûre que je l’ai déjà vue. Je la soupçonne d’être amoureuse et de fuir la maison paternelle. Qui sait si quelque jeune cavalier épris de ses charmes, ne l’attend pas au lieu du rendez-vous, avec un cœur aussi agité que le sien ? »

Jones, à ces mots, poussa un profond soupir.