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son verre. Mistress Waters eut recours à beaucoup d’autres stratagèmes ; mais le dieu de la table (s’il en existe un, ce que nous n’osons affirmer), prit sous sa protection son fervent adorateur. Peut-être au reste n’y avoit-il pas là[1] de nœud digne de l’intervention d’une divinité, et le salut de Jones peut-il s’expliquer par des causes naturelles ; car si l’amour nous défend quelquefois contre la faim, la faim dans certains cas, nous défend aussi contre l’amour.

La belle, indignée du mauvais succès de ses attaques, résolut de les suspendre un moment. Elle employa cet intervalle à préparer ses machines de guerre, avec l’intention de renouveler les hostilités après le dîner.

Dès qu’on eut ôté la nappe, elle reprit l’offensive. D’abord, elle lança, de son œil droit, sur M. Jones, un regard oblique qui perdit, en chemin, une partie de sa force, et produisit pourtant un effet sensible. La belle le remarqua. Soudain elle détourna la tête et baissa ses longues paupières, comme honteuse de ce qu’elle avoit fait. Elle imagina cette ruse, pour donner le change à Jones, et pour l’engager à ouvrir les yeux ; car c’étoit par ce chemin qu’elle vouloit surprendre son cœur. Relevant ensuite avec langueur ces deux orbes brillants qui avoient déjà commencé

  1. Dignus vindice nodus.Horace.