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rions l’accuser d’ingratitude et de surdité, avec autant de raison que Pasiphaë se plaignit de son taureau, qu’elle essaya de séduire par tous les manéges de cette coquetterie qui s’emploie avec tant de succès dans les salons, sur les cœurs moins rebelles de nos petits-maîtres.

Il arrive le contraire, quand l’amour se fait sentir à des individus de même espèce, mais de sexe différent. Alors le premier soin est de se concilier l’affection de l’objet qu’on aime. N’est-ce pas dans cette vue qu’on enseigne à la jeunesse tous les moyens de plaire ? Sans l’ambition d’y réussir, aucun des arts qui servent à l’ornement du corps humain, ne procureroit de quoi vivre à ceux qui les cultivent. Peut-être même ces professeurs si habiles à polir les manières, à façonner le maintien, et à l’école desquels on acquiert cette élégance de tournure qui, au gré de certaines gens, distingue principalement l’homme de la brute, les maîtres de danse en un mot, deviendroient des membres inutiles de la société. Enfin toutes les graces que la jeunesse emprunte à des mains étrangères, tous les agréments qu’elle se donne à elle-même à l’aide du miroir, sont réellement ces flèches et ces flambeaux de l’amour qui reviennent si souvent dans Ovide[1], et qu’on appelle quelquefois, en françois, l’artillerie complète de l’amour.

  1. Spicula et faces amoris.Ovide.