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dans la personne de notre héros, songe aux obligations récentes que lui avoit mistress Waters, et tu conviendras qu’il y auroit de ta part plus de rigueur que de justice, à prendre une mauvaise opinion d’elle, parce qu’elle en prit une très-bonne de lui.

Au reste, dût-on la blâmer, nous sommes obligé de rapporter les faits, sans y rien changer. Mistress Waters avoit conçu non-seulement une grande estime, mais encore une vive tendresse pour notre héros. Parlons franchement, elle aimoit, suivant la commune acception de ce mot, qu’on applique indistinctement à tous les objets de nos goûts, de nos désirs, de nos passions, de nos appétits sensuels, et qui ne signifie que la préférence donnée à une chose sur une autre.

Mais si l’amour qui naît de ces diverses causes, est le même dans tous les cas, on doit convenir que les effets en sont différents. Quelque attrait que nous sentions pour un tendre aloyau, pour d’excellent vin de Bourgogne, pour une rose de Damas, ou pour un violon de Crémone, jamais nous n’avons recours aux sourires, aux œillades, à la parure, à la flatterie, ni à aucun autre artifice semblable pour gagner l’affection de cet aloyau, de cette rose, etc. Nous soupirons bien quelquefois, mais c’est d’ordinaire en l’absence et non en la présence de l’objet aimé : autrement nous pour-