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Jones, armé d’un simple bâton, tomba sur le brigand, et l’étendit à ses pieds avant qu’il pût se mettre en défense, avant même qu’il se doutât qu’on l’attaquoit. Il ne cessa de le frapper, que quand la dame demanda grace pour le misérable, en disant qu’elle se croyoit assez vengée.

L’infortunée se jeta ensuite aux genoux de Jones, et lui prodigua les témoignages de la plus vive reconnoissance. Notre héros s’empressa de la relever. « Madame, lui dit-il, je me félicite de l’accident extraordinaire qui m’a conduit à votre secours, dans un lieu où vous ne deviez guère espérer de trouver un défenseur. Le ciel semble m’avoir destiné à être l’heureux instrument de votre délivrance.

— Oui, répondit-elle, je suis tentée de vous prendre pour un ange protecteur ; et, en vérité, vous me paroissez plus semblable à un ange qu’à un homme. »

Jones avoit, en effet, une figure charmante. Si une taille noble, une agréable physionomie où brilloient la jeunesse, la fraîcheur, la santé, la force, le courage, et la bonté peuvent donner à un homme l’apparence d’un ange, on la trouvoit en lui.

La dame qu’il avoit délivrée tenoit beaucoup plus de l’humanité. Elle étoit de moyen âge, et foiblement pourvue d’attraits ; mais ses vêtements,