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d’ici ! quel immense intervalle me sépare de mon pays !

— Et de celle, répartit le vieillard, que vous préférez à votre pays, si j’en juge par ce soupir. Je m’aperçois, jeune homme, que l’objet de vos pensées n’est pas à la portée de votre vue. Cependant vous me paroissez prendre plaisir à regarder du côté où vous l’avez laissé.

— Je vois, mon vieil ami, répondit Jones en souriant, que l’âge n’a pas effacé de votre souvenir les impressions de la jeunesse. Je l’avouerai, vous ne vous êtes point trompé dans vos conjectures. »

Ils dirigèrent alors leurs pas vers la partie de la montagne qui est située au nord-ouest, et domine un grand bois. Comme ils y arrivoient, ils entendirent à peu de distance, au-dessous d’eux, les cris aigus d’une femme. Jones prêta l’oreille un moment, puis, sans dire un mot à son compagnon (car le danger sembloit éminent) il courut, ou plutôt il se laissa glisser jusqu’au bas de la montagne, et marcha droit au bois d’où partoient les cris.

À peine y fut-il entré qu’il vit (ô spectacle digne de pitié !) une femme demi-nue, entre les mains d’un brigand qui lui avoit passé sa jarretière autour du cou, et s’efforçoit de la pendre à un arbre. Les questions étoient superflues.