Page:Fielding - Tom Jones ou Histoire d'un enfant trouvé, tome 2.djvu/367

Cette page a été validée par deux contributeurs.

ment historiques offrent beaucoup plus de prise aux imitateurs, que celles qui se composent d’observations et de raisonnements. Nous parlons ici d’imitateurs tels que Rowe l’étoit de Shakespeare, ou tels qu’au dire d’Horace, certains Romains l’étoient de Caton, en marchant comme lui les pieds nus, et en affectant un air austère.

Inventer des histoires intéressantes, et les bien raconter, ce sont deux talents fort rares : et pourtant nous avons vu peu d’écrivains qui n’eussent la prétention de les posséder l’un et l’autre. Si l’on examine les romans et les nouvelles dont le public est inondé, on se convaincra sans peine, que la plupart de leurs auteurs auroient été dans l’impuissance absolue de coudre ensemble une douzaine de phrases sur tout autre sujet. C’est principalement de l’historien et du biographe qu’on peut dire : scribimus indocti, doctique passim[1]. En effet, toutes les sciences (la critique même) exigent un certain degré d’instruction. On pourroit peut-être excepter la poésie ; mais elle demande du nombre et de l’harmonie : au lieu que pour écrire des nouvelles et des romans, il ne faut que du papier, de l’encre, des plumes, et une main pour s’en servir. Telle est, ce semble, l’opinion des auteurs eux-mêmes, à en juger

  1. Ignorants et savants, nous écrivons à l’envi l’un de l’autre.