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voles emportent trop rapidement à notre gré les heures fugitives, et un esprit livré à l’observation des merveilles de la nature, trouveroit la marche du temps trop lente ! Si le cours de la vie ne suffit pas à ce noble exercice de la pensée, tous les lieux du moins y sont propres. Sur quel objet de la création peut-on arrêter ses regards, qui ne porte l’empreinte de la puissance, de la sagesse, de la bonté de Dieu ? Faut-il, pour annoncer sa grandeur à l’univers, que le soleil, sortant des portes de l’Orient, colore de ses feux l’horizon ? Faut-il que les vents impétueux, échappés de leurs antres profonds, agitent la cime superbe des forêts ? ou que les nuages entr’ouverts répandent des torrents de pluie sur les plaines ? Non, le plus chétif insecte, le moindre brin d’herbe attestent également la puissance, la sagesse, la bonté du Créateur. L’homme seul, ce roi de la nature, le dernier, le plus sublime ouvrage sorti de ses mains, l’homme avili et dégradé par sa méchanceté, sa cruauté, son ingratitude, et sa perfidie, feroit presque révoquer en doute la bonté de son auteur. Comment imaginer en effet qu’un être bienfaisant ait pu former une créature si folle et si méprisable ? Et voilà le ridicule animal dont vous me plaignez d’être séparé, celui hors la société duquel, la vie, à vous entendre, n’offre qu’ennui et que dégoût !

— Je souscris volontiers, monsieur, répondit