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sont sales, il est vrai, mais leur saleté n’est qu’extérieure, au lieu qu’en France et dans d’autres pays que je ne veux pas nommer, elle est intérieure ; et cette dernière offense plus ma raison, que l’autre ne blesse mon odorat.

« J’ai fini, monsieur, l’histoire de ma vie ; car cette longue suite d’années que j’ai passées ici dans la retraite, ne renferme aucun événement important, et peut se considérer comme un jour. Je me suis fait, au sein de ce royaume populeux, une solitude plus profonde que celle de la Thébaïde. Ne possédant point de terres, aucun fermier, aucun intendant ne trouble mon repos. Ma rente m’est payée régulièrement ; et ce n’est que justice, puisqu’il s’en faut de beaucoup qu’elle égale la valeur du bien que j’ai cédé en échange. Je ne reçois point de visites. La vieille femme qui me sert, sait que sa place dépend de son zèle à m’épargner l’embarras d’acheter ce dont j’ai besoin, de son attention à écarter de ma demeure les indiscrets et les curieux, enfin de son exactitude à garder avec moi le silence. Je suis à peu près sûr de ne rencontrer personne, aux heures où je me promène. Quand par hasard quelques humains se sont trouvés sur mon passage, effrayés de la bizarrerie de mon accoutrement et de ma figure, ils m’ont fui comme un fantôme. Cependant ce qui est arrivé cette nuit me prouve,