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« Quant à moi, j’ai passé par ces pays, comme on passe au milieu de la foule, à la porte d’un spectacle, jouant des coudes pour en sortir, tenant mon nez d’une main, et mes poches de l’autre, ne disant mot à personne, faisant mes remarques à la hâte, et je n’ai rien vu d’assez intéressant, pour me dédommager de la peine que m’a causée la compagnie des hommes.

— Parmi les peuples que vous avez visités, n’en est-il aucun, monsieur, qui vous ait moins déplu que les autres ?

— Oui, les Turcs m’ont paru beaucoup plus supportables que les chrétiens. Ils sont d’une grande taciturnité, et n’accablent point un étranger de questions. À la vérité, ils jurent contre lui de temps en temps, ils lui crachent au visage, quand ils le rencontrent dans la rue ; mais voilà tout. On peut vivre un siècle chez eux, sans entendre sortir de leurs bouches une douzaine de paroles. Je n’ai pas vu de peuple pour qui je n’aie conçu de l’aversion. Le ciel me préserve surtout des François ! avec leur maudit babil, leur politesse affectée, leur empressement à faire comme ils disent, les honneurs de leur pays aux étrangers, ou plutôt leur besoin de briller et de plaire, ils sont si importuns, si fatigants, que j’aimerois mieux passer ma vie au milieu des Hottentots, que de remettre le pied à Paris. Ces Africains