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prendre les armes contre son gracieux et légitime souverain.

« Cet insigne mensonge (car il avoit été réellement le plus ardent de nous deux), me piqua au vif, et me pénétra d’une indignation inexprimable. La fortune eut enfin pitié de mon triste sort. Un peu au-delà de Wellington, comme nous entrions dans un étroit défilé, les soldats, sur le faux avis de l’approche d’un détachement ennemi, prirent la fuite, et me laissèrent, ainsi qu’à mon odieux compagnon, la liberté d’en faire autant. Ce misérable s’éloigna de moi avec précipitation, et il fit bien. Tout désarmé que j’étois, j’aurois cherché à tirer vengeance de sa scélératesse.

« Devenu libre encore une fois, je m’enfonçai dans la campagne, et je marchai à l’aventure, évitant soigneusement les grandes routes, les villes, les villages, et jusqu’aux simples chaumières ; car je m’imaginois voir un traître dans chaque créature humaine que je rencontrois.

« Après avoir erré de la sorte pendant plusieurs jours, sans autre lit que la terre, sans autre nourriture que celle des animaux sauvages, j’arrivai dans ce lieu dont la solitude me plut. J’y fixai ma demeure. Je pris à mon service la mère de cette vieille femme, avec laquelle je demeurai caché jusqu’au moment où la nouvelle de notre glorieuse révolution vint dissiper mes alarmes, et