Page:Fielding - Tom Jones ou Histoire d'un enfant trouvé, tome 2.djvu/337

Cette page a été validée par deux contributeurs.

à l’oreille, que s’il avoit besoin d’argent, il se feroit un plaisir de lui en prêter.

« Le pauvre homme étoit, dans ce moment, hors d’état de le remercier d’une proposition si généreuse. Après m’avoir considéré attentivement pendant quelques minutes, il se laissa tomber sur sa chaise, en s’écriant d’une voix foible : « Ô mon fils ! mon fils ! » et il s’évanouit.

« La plupart des spectateurs attribuèrent cet accident à la grande quantité de sang qu’il avoit perdue ; mais moi qui commençois à me remettre les traits de mon père, je fus confirmé dans mes doutes ; et, convaincu que c’étoit lui-même qui s’offroit à mes regards, je courus à lui, je le serrai contre mon cœur, et couvris de baisers son visage pâle et glacé. Je dois tirer ici le rideau sur une scène qu’il m’est impossible de décrire ; car si je ne perdis pas tout-à-fait connoissance, la surprise et l’effroi me causèrent un tel trouble, que je demeurai étranger à ce qui se passa autour de moi, jusqu’au moment où mon père, ayant repris ses sens, nous nous trouvâmes dans les bras l’un de l’autre, étroitement enlacés et confondant nos larmes.

« Cette scène fit une vive impression sur tous ceux qui en furent témoins. Mon père, aussi impatient que moi de se soustraire à leur curiosité,