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« Il se passa à cette partie quelque chose d’étrange. La table, au commencement, étoit à moitié couverte d’or. Cet or disparut peu à peu, au point que lorsque les joueurs se séparèrent, le lendemain jour de dimanche, vers midi, à peine restoit-il sur le tapis quelques guinées. Et cependant chacun, excepté moi, prétendoit avoir perdu. Qu’étoit devenu l’argent ? On ne sauroit le dire, à moins de supposer que le diable l’eût emporté. »

« C’est certainement ce qu’il fit, dit Partridge. Ne savez-vous pas, monsieur, que le diable peut emporter, sans être vu, tous les meubles d’une chambre, quand elle seroit pleine de monde ? Je n’aurois pas été surpris qu’il eût emporté aussi cette troupe de mécréants, qui s’amusoient à jouer, pendant le sermon. Je pourrois vous conter l’histoire d’un homme que le diable surprit couché avec la femme d’un autre, et qu’il emporta par le trou de la serrure. J’ai vu la maison où la chose est arrivée, et personne n’y a logé depuis trente ans. »

Jones, quoique un peu choqué de l’impertinence de Partridge, ne put s’empêcher de rire de sa simplicité. L’étranger en fit de même, et continua son histoire, comme on le verra au chapitre suivant.