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pondit Watson, que nous étions, vous et moi, de trop vieux amis, pour alléguer une pareille excuse. » Il me prit par le bras et voulut m’entraîner : ce qui lui fut très-facile ; mon inclination me poussoit encore plus fortement que lui.

« Il me mena au quartier des Moines, le rendez-vous, ainsi que chacun sait, du plaisir et de la joie. Nous entrâmes dans une taverne. Watson se contenta de demander une bouteille de vin, ne supposant pas qu’à cette heure, je n’eusse point encore dîné. Comme il en étoit autrement, j’inventai un nouveau mensonge. Je dis à mon camarade, que courant depuis le matin pour des affaires d’importance, et n’ayant mangé de toute la journée qu’une côtelette à la hâte, il m’obligeroit de faire ajouter un beef-steak à la bouteille de vin. »

« Il y a des gens, dit Partridge, qui devroient avoir plus de mémoire. Où trouvâtes-vous de l’argent pour payer cette côtelette ?

— Votre observation est juste, répondit l’étranger, et les menteurs sont sujets à ces sortes d’inadvertances ; mais souffrez que je poursuive mon récit. Je commençai alors à me sentir dans une heureuse disposition. Le beef-steak et le vin avoient ranimé mes esprits, et je prenois d’autant plus de plaisir à la conversation de mon ancien ami, que je ne le croyois pas instruit de ce