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aux prochaines assises, afin d’y soutenir son dire, et de reconnoître l’accusé. Il se servit pour exprimer cela, d’un mot dur composé de re et cognosco, qui, dans sa signification, diffère du verbe simple, comme beaucoup d’autres verbes composés. Milord Page étant venu présider les assises, on fit comparoître, en sa présence, l’accusé et Francis. Je n’oublierai jamais l’expression de sa figure, lorsqu’il demanda à ce dernier ce qu’il avoit à dire contre le prisonnier ? Le pauvre Francis trembla de la tête aux pieds. « Et vous, dit ensuite milord à l’accusé, d’une voix de tonnerre, que pouvez-vous alléguer pour votre défense ? Allons ! parlez ; il ne faut pas ici hésiter, ni balbutier. » L’accusé répondit qu’il avoit trouvé le cheval. « Oh ! oh ! s’écria le juge, tu es un heureux compère. Depuis quarante ans que je parcours cette province, je n’ai pas fait pareille trouvaille. Mais, mon ami, tu es plus heureux que tu ne pensois, car tu as trouvé non-seulement un cheval, mais encore un licou, je t’en réponds. » Je me souviendrai toujours de ce mot-là. Chacun se mit à rire. Milord fit plusieurs autres plaisanteries que je ne me rappelle pas maintenant, et qui réjouirent fort l’auditoire. C’étoit un brave et savant homme. Oh ! monsieur, il n’y a rien de plus amusant, que d’entendre plaider des causes où il s’agit de la vie, ou de la mort. Ce qui me