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sirs même les plus extravagants de ma maîtresse. J’en étois si follement épris, que bien que je susse qu’elle avoit prodigué ses faveurs à la moitié de mes connoissances, j’avois formé la résolution de l’épouser ; mais la bonne créature ne voulut point accepter de moi une preuve de tendresse qui pouvoit, disoit-elle, m’attirer la censure du monde. Elle se détermina aussi, sans doute par un motif de compassion, à mettre fin aux angoisses journalières qu’elle me voyoit éprouver, pour l’amour d’elle ; et le moyen dont elle se servit fut digne d’un si louable sentiment. Tandis que je m’épuisois en inventions toujours nouvelles pour subvenir à ses plaisirs, elle me livra charitablement entre les mains d’un de ses anciens amants d’Oxford, par les soins et à la requête duquel je fus aussitôt arrêté et mis en prison.

« Je fis alors de sérieuses réflexions sur les désordres de ma vie passée, sur la profonde misère qui en étoit la suite, sur les chagrins dont j’avois abreuvé le meilleur des pères. Quand le souvenir de ma perfide maîtresse venoit se joindre à ces pensées douloureuses, le désespoir s’emparoit de mon ame, je prenois la vie en horreur, et j’aurois embrassé la mort avec joie, comme un ami secourable, si elle s’étoit offerte à moi, exempte d’ignominie.