Page:Fielding - Tom Jones ou Histoire d'un enfant trouvé, tome 2.djvu/314

Cette page a été validée par deux contributeurs.

pour un insensé, qui avoit la prétention de rivaliser de magnificence avec sir Georges Gresham.

« Il est probable que le manque d’argent, et l’impossibilité de continuer ce train de vie, m’auroient rendu à la raison et à mes études, si j’avois eu le bonheur d’ouvrir les yeux, avant d’être plongé dans un abîme de dettes, sans espoir d’en jamais sortir. Un des grands artifices de sir Georges Gresham, celui à l’aide duquel il faisoit de nombreuses victimes, c’étoit de prêter à ses malheureux émules quelque petite somme, pour soutenir leur crédit chancelant, jusqu’à ce que par l’effet de ce crédit même, ils fussent ruinés complètement. Alors il rioit de leur sottise et de leur vanité, et s’étonnoit qu’ils eussent osé lutter avec un homme aussi opulent que lui.

« Mon esprit n’étoit guère dans une situation moins déplorable que ma fortune. Il y avoit à peine un genre de crime que je ne méditasse pour sortir d’embarras. Le suicide même devint le sujet habituel de mes pensées ; et j’aurois attenté à mes jours, si une résolution plus honteuse, quoique moins coupable, peut-être, n’eût arrêté ma main. »

Ici le solitaire hésita un moment, puis il s’écria : « Tant d’années écoulées depuis cette action criminelle, n’en ont point effacé la honte, et je ne puis la raconter sans rougir. »