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studieux lui offroit en moi un sujet digne de ses desseins pervers, et mes penchants en rendirent l’exécution facile. Quelque goût que j’eusse pour l’étude, je me sentois encore plus d’ardeur pour d’autres jouissances. J’étais vif, ardent, ambitieux, et passionné pour les femmes.

« Je ne fus pas long-temps l’intime ami de sir Georges, sans devenir le compagnon de tous ses plaisirs. Dès que j’eus débuté sur le dangereux théâtre du vice, ma vanité, ni mon inclination ne me permirent point d’y jouer les seconds rôles. J’aurois eu honte de céder à quelqu’un le prix de la débauche. Je m’abandonnai avec fureur à toutes sortes d’excès ; mon nom figuroit habituellement le premier sur la liste des coupables. Au lieu d’être plaint comme l’infortuné disciple de sir Georges, on m’accusoit d’avoir perverti un jeune homme que la nature avoit doué des plus heureuses dispositions ; car sir Georges, quoiqu’il fût le principal auteur du désordre, avoit l’art d’y paroître étranger. J’encourus la censure du vice-chancelier, et peu s’en fallut que je ne fusse chassé du collége.

« Vous n’aurez pas de peine à croire, monsieur, qu’une manière de vivre pareille à celle dont je viens de vous tracer le tableau, étoit incompatible avec de nouveaux progrès dans les sciences, et que plus je me livrai au libertinage,