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« Il y avoit au même collège, un certain sir Georges Gresham, destiné à une fortune très-considérable, dont il ne devoit avoir, d’après le testament de son père, la libre disposition qu’à l’âge de vingt-cinq ans révolus. Mais l’indulgence de ses tuteurs ne lui laissoit guère sentir la gêne de cette précaution paternelle. Ils lui allouoient une pension annuelle de cinq cents livres sterling pendant son séjour à l’université, où ce jeune prodigue entretenoit une maîtresse, un brillant équipage, et menoit une vie aussi déréglée, que s’il avoit été maître absolu de son patrimoine. Outre sa pension de cinq cent livres sterling, il trouvoit moyen d’en dépenser mille ; comme il étoit âgé de plus de vingt et un ans, il jouissoit de tout le crédit qu’il pouvoit souhaiter.

« Sir Georges, parmi une foule de qualités assez mauvaises, en avoit une vraiment infernale. Il prenoit plaisir à débaucher et à perdre les jeunes gens moins riches que lui, en les entraînant dans des dépenses qui surpassoient leurs facultés. Plus un jeune homme montroit de sagesse et de retenue, plus il attachoit de bonheur et de gloire à sa ruine. Il faisoit ainsi le personnage du diable, qu’on nous peint cherchant sans cesse une victime à dévorer.

« J’eus le malheur de me lier avec lui d’une étroite amitié. Ma réputation d’écolier diligent et