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son fusil. Aussi devint-il si bon tireur, qu’il ne manquoit jamais le but qu’on lui marquoit, ni une corneille au vol. Il excelloit encore à surprendre un lièvre au gîte. Enfin il acquit bientôt la réputation d’être le meilleur chasseur du canton ; réputation que ma mère et lui prisoient autant que celle d’un savant du premier ordre.

« La liberté dont jouissoit mon frère, me fit d’abord trouver pénible le séjour de l’école, où on me laissa après l’en avoir retiré, mais ce chagrin dura peu. Grace à mes rapides progrès, le travail me devint si facile et l’étude eut tant d’attrait pour moi, que je voyois avec peine arriver le dimanche. Ma mère qui ne m’aima jamais, craignit que je ne prisse dans le cœur de mon père la première place. Elle crut remarquer que quelques personnes de mérite, entre autres le curé de la paroisse, faisoient plus de cas de moi que de mon frère. Son aversion s’en augmenta, et elle me rendit la maison paternelle si désagréable, que je bénissois le retour du lundi, qui, d’ordinaire, attriste fort les écoliers.

« Quand j’eus fini mes premières classes à l’école de Taunton, on m’envoya au collége d’Exeter, à Oxford. J’y demeurai quatre ans, au bout desquels un événement fatal m’obligea d’abandonner mes études. Je puis dater de cette époque l’origine de tous mes malheurs.