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si je n’avais vu au clair de la lune que c’étoit un gentilhomme, et qu’il étoit à moitié mort de froid. Il faut que quelque bon ange l’ait conduit ici, et m’ait inspiré l’idée de le recevoir.

— Je crains, monsieur, dit le vieillard à Jones, de n’avoir chez moi rien de bon à vous offrir. Si vous vouliez cependant accepter un verre d’eau-de-vie, j’en ai d’excellente que je conserve depuis trente ans. »

Jones le refusa poliment.

Le solitaire lui demanda alors où il alloit, et quand il s’étoit égaré ? « J’avoue, dit-il, que je suis surpris de voir une personne telle que votre extérieur l’annonce, voyager à pied la nuit. Vous êtes, je le suppose, un gentilhomme des environs ; car vous ne semblez pas accoutumé à faire une longue route sans chevaux.

— Les apparences, répondit Jones, sont souvent trompeuses. Je ne suis point de ce pays-ci ; et quant au lieu où je vais, à peine le sais-je moi-même.

— Qui que vous soyez, en quelque lieu que vous alliez, je vous ai des obligations dont je ne pourrai jamais m’acquitter.

— Je vous répète que vous ne m’en avez aucune. Où est le mérite d’avoir exposé, pour vous servir, ce dont je ne fais nul cas ? Rien à mes yeux n’est plus méprisable que la vie.