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La vieille étoit partagée entre l’inquiétude qu’elle éprouvoit pour son maître, et la crainte d’être grondée par lui. Partridge ressentoit, s’il est possible, encore plus d’effroi. La première se rassura, quand elle vit le solitaire s’entretenir amicalement avec Jones, et qu’elle sut ce qui s’étoit passé. Mais à peine Partridge eut-il aperçu le vieillard, que la singularité de son accoutrement lui inspira plus de frayeur, que ne lui en avoient causé son portrait tracé par la bonne femme, et l’événement tragique arrivé devant la porte de la maison.

À dire vrai, l’aspect du vieillard de la montagne auroit pu troubler un esprit plus ferme que celui de Partridge. Ce personnage étoit de la plus haute stature. Une longue barbe, aussi blanche que la neige, descendoit sur sa poitrine. Son corps étoit couvert d’une peau d’âne, grossièrement taillée en forme de casaque. Il portoit des bottes et un bonnet, faits tous deux de la peau de quelque autre animal.

Dès que le solitaire fut entré dans sa maison, la vieille le félicita de son heureuse délivrance.

« Oui, s’écria-t-il, j’ai échappé au fer des assassins, grace à la valeur de ce jeune homme.

— Le ciel le bénisse, dit-elle. C’est un brave jeune homme, je vous assure. Je craignois que votre seigneurie ne me sût mauvais gré de lui avoir ouvert la porte. Je m’en serois bien gardée,