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raisons aussi légères que celles qu’il venoit d’entendre. Il en concluoit que tout ce récit étoit une fable, et que le jeune homme, dont il avoit appris l’inconduite par ses correspondances particulières, s’étoit enfui de chez son père. Or, il se figuroit, que s’il parvenoit à le faire rentrer dans le devoir, un pareil service lui rendroit les bonnes graces de l’écuyer. Il pensoit que les mauvais traitements qu’il en avoit autrefois essuyés, étoient l’effet d’une feinte colère, et que M. Allworthy l’avoit sacrifié à sa réputation. Ce soupçon se fondoit dans son esprit sur le sentiment de sa propre innocence, qui ne lui permettoit pas de supposer qu’un autre pût le croire coupable, et sur les secours secrets qu’il avoit reçus de l’écuyer, long-temps après la suppression de sa rente. Il avoit toujours regardé ces secours, comme un dédommagement et comme une sorte de réparation de l’injustice commise à son égard ; car il est rare que les hommes attribuent à un pur mouvement de générosité, les bienfaits qu’ils peuvent rapporter à une autre cause. Partridge ne doutoit donc pas, qu’en ramenant le jeune fugitif dans la maison paternelle, il ne recouvrât la bienveillance de M. Allworthy, et ne fût amplement récompensé de ses peines. Il se flattoit encore d’obtenir de l’écuyer son retour dans le lieu de sa naissance, retour qu’Ulysse, après une absence