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plusieurs fois, et finit par le supplier de lui apprendre le nom de la jeune dame qui paroissoit être la principale cause de toutes ses peines.

« Puisque je vous ai déjà témoigné tant de confiance, répondit Jones après un moment de réflexion, et que ce nom n’a malheureusement fait ici que trop de bruit, je ne vous le cacherai point davantage. Sophie Western est celle que j’adore.

Proh deum atque hominum fidem[1] ! L’écuyer Western a une fille bonne à marier ?

— Oui, et une fille incomparable : jamais on ne vit de beauté si accomplie, et l’éclat de ses charmes est son moindre mérite. Que d’esprit ! de grace ! de bonté ! Ah ! je passerois ma vie entière à la louer, que j’oublierois encore la moitié de ses perfections.

M. Western a une fille bonne à marier, lui que j’ai vu petit garçon ! Voilà ce que c’est. Tempus edax rerum[2] ».

La bouteille étant vide, Benjamin vouloit en faire venir une seconde à ses frais. Jones s’y opposa, en disant qu’il avoit déjà trop bu pour un malade, et qu’il préféroit se retirer dans sa chambre, où il seroit bien aise d’avoir un livre à lire.

  1. J’en atteste les dieux et les hommes.
  2. Le temps consume tout.