— Ah ! monsieur, Dieu me garde de vous être importun. Ne me soupçonnez pas, je vous en conjure, d’une impertinente curiosité. C’est un défaut dont personne ne peut m’accuser. Mais, à vrai dire, quand un gentilhomme tel que vous, ne se fait point accompagner par ses valets, il est naturel de supposer qu’il voyage, comme on dit, incognito. Peut-être aurois-je dû ne pas vous nommer.
— Je ne croyois point, je l’avoue, être si bien connu dans ce pays-ci. Cependant, je vous serai obligé, pour des raisons particulières, de ne prononcer mon nom devant personne, jusqu’à ce que je sois parti.
— Pauca verba[1]. Je souhaiterois que vous ne fussiez connu ici que de moi. Il y a des gens qui ont la langue bien longue : quant à moi, je sais garder un secret. Mes ennemis même me rendent cette justice.
— La discrétion, monsieur le barbier, n’est pourtant pas la vertu des gens de votre état.
— Hélas ! monsieur, non si male nunc et olim sic erat[2] ! Je n’étois pas né, et ne fus pas élevé pour être un barbier, je vous assure. J’ai passé la plus grande partie de ma vie avec des gentils-