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Le ponctuel barbier ne tarda pas à le joindre. Il seroit même arrivé plus tôt au rendez-vous, s’il ne s’étoit amusé, dans la cuisine, à écouter l’hôtesse, qui racontoit à un cercle de curieux rassemblés autour d’elle, l’histoire de Jones. Les confidences involontaires du jeune homme lui en avoient fourni une partie ; elle tiroit l’autre de sa propre imagination. « C’étoit, disoit-elle, un pauvre enfant trouvé, recueilli dans la maison de l’écuyer Allworthy, où on le destinoit à servir comme valet ; il venoit d’en être chassé, pour avoir osé faire l’amour à sa jeune maîtresse, et probablement aussi pour quelque vol domestique ; car, ajoutoit-elle, d’où lui viendroit le peu d’argent qu’il a dans sa bourse ? Et voilà le vaurien qu’on veut faire passer pour un gentilhomme !

— Un valet de M. Allworthy ! s’écria le barbier. Quel est son nom ?

— Il m’a dit, répondit l’hôtesse, qu’il s’appeloit Jones. C’est peut-être un nom supposé. Il m’a dit encore que l’écuyer, avant qu’il eût encouru sa disgrace, le traitoit comme son propre fils.

— S’il s’appeloit Jones, il vous a dit la vérité. J’ai des parents dans ce pays-là. On prétend même qu’il est fils de l’écuyer.

— En ce cas, pourquoi ne porte-t-il pas le nom de son père !