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Jones persista dans son refus. Le docteur finit par céder ; mais il lui dit qu’il ne répondoit pas des suites, et le pria de vouloir bien se souvenir qu’il avoit été d’un avis contraire. Jones promit de ne pas l’oublier. Après quoi le docteur descendit dans la cuisine, et se plaignit amèrement à l’hôtesse de l’obstination de son malade, qui refusoit de se laisser saigner, quoiqu’il eût une fièvre violente.

« Dites plutôt une fièvre dévorante, répliqua l’hôtesse ; car il a mangé ce matin deux énormes tartines de beurre, à son déjeuner.

— C’est possible, répondit le docteur. J’ai vu des gens tourmentés de la faim dans un accès de fièvre ; et cela est facile à expliquer. L’agacement causé par l’humeur fébrile irrite les nerfs du diaphragme, et cause un appétit désordonné, que l’on a de la peine à distinguer du naturel. Si le malade a l’imprudence de s’y livrer, les aliments ne recevant dans l’estomac qu’une coction imparfaite, et n’étant point élaborés en chyle, corrodent les orifices vasculaires, et redoublent les symptômes fébriles. Je le répète, le jeune homme est en grand danger, et s’il n’est point saigné, je crains fort qu’il ne meure.

— Qu’importe ? répondit l’hôtesse, il faut mourir un jour, ou l’autre. Vous ne prétendez point j’espère, docteur, que je le tienne pendant que