L’historien qui rapporte des faits publics, a un grand avantage sur l’auteur de roman qui décrit des scènes de la vie privée. La notoriété dépose en faveur du premier ; les actes authentiques, l’unanimité des témoignages démontrent sa véracité aux siècles futurs. C’est ainsi que l’existence des Trajan, des Antonin, des Néron, des Caligula, n’a point trouvé d’incrédules dans la postérité. Personne ne doute que ces princes vertueux et que ces monstres, n’aient été autrefois les maîtres du monde.
Pour nous, qui dessinons des caractères inconnus, qui allons chercher dans les retraites les plus écartées et les plus obscures, des exemples de vice et de vertu, nous n’avons, pour accréditer nos récits, aucune des ressources de l’historien. Nous devons donc nous tenir soigneusement renfermé dans les bornes du possible et du vraisemblable. Cette obligation devient surtout rigoureuse, lorsqu’il s’agit de la peinture d’un mérite extraordinaire. Il y auroit moins d’inconvénient à peindre au naturel l’excès de la sottise ou de la scélératesse ; car la malignité humaine n’est que trop disposée à y croire.
Ainsi, on peut raconter, en toute assurance, l’histoire de Fisher. Cet homme devoit depuis long-temps sa subsistance à la générosité de M. Derby. Le matin même du jour où il en avoit